Breaking the Waves

Benjamin B : Comment avez-vous commencé à travailler avec Lars von Trier ?

Jean-Paul Meurisse : Cinq ans avant Breaking the Waves, j’avais tourné Europa avec Lars. C’était une histoire de coproduction : il fallait tant de Français... Je ne sais pas comment mon nom est arrivé dans le chapeau. Lars m’a demandé d’aller le voir à Copenhague, on a passé deux heures ensemble, il m’a fait visiter les studios Nordisk, et puis : « Au revoir, on se revoit dans 15 jours ». C’était au feeling.

Willy Kurant : Peux-tu nous parler d’Europa ?

J-PM : C’est un film hyper classique. J’avais deux story-boards épais comme ça, que j’ai exécutés au millimètre près. On se parlait très peu avec Lars : on faisait telle séquence, je mettais en place la caméra, les travellings, les grues... C’était assez chaud, mais le film s’est tourné dans une excellente humeur. Europa est d’un style totalement différent, c’est très intéressant pour moi d’avoir fait les deux films.

Je trouve que Lars est un type extraordinaire. Je ne l’ai jamais entendu hausser le ton, contrairement à tout ce que l’on dit sur lui, qu’il a un caractère impossible... Moi je l’ai toujours vu extrêmement calme, toujours de l’humour. C’est un type très agréable, je ne sais pas s’il a changé depuis. Je l’ai connu sur deux films et il avait un caractère tout à fait égal. Donc cinq ans après, il fait Breaking the Waves. Il contacte Robby Müller qui devait aussi le faire au cadre.

BB : Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ?

J-PM : Il s’est aperçu que la totalité du film, à part les dix têtes de chapitre, était en caméra portée. Robby a dit : « Je suis trop vieux pour faire tout un film en caméra à l’épaule » ? Lars a répondu : « Ce n’est pas un problème ». Quand on a tourné Europa, je devais aller à l’Everest juste après, donc j’avais une bonne forme physique. Je m’entraînais tous les jours. On finissait à 17 h, j’allais faire 100 Km à vélo après. Lars m’a appelé pour Breaking the Waves, et j’ai fait le cadre... Il se trouve que j’ai 5 ans de plus que Robby. [rires]

J-PM : La caméra était une Moviecam Compact avec commande de point HF et contrôle vidéo HF, donc aucun fil à traîner. J’étais totalement autonome, et j’avais une batterie ceinture. J’avais préparé la caméra en 120 m pour presque la totalité du film et j’avais mis des poids de plongée à l’arrière des magasins pour l’équilibrer.

BB : La Compact est bien lourde.

J-PM : Avec la caméra, les 2 kg à l’arrière, la commande de point, le contrôle vidéo et son optique et la batterie ceinture, le tout faisait 28 kg !

BB : 28 kg à l’épaule, 10 heures par jour ?