Golden Door

Willy Kurant : Agnès, tu viens de terminer Golden Door, un film dont la qualité de la photographie a reçu des critiques élogieuses. J’ai été moi-même très ému par la qualité tant de la lumière que de la composition – et voir les deux à la fois, c’est assez rare.

Il y a des images qui restent, absolument, qui sont sublimes, comme celle d’un bateau qui quitte un quai, et dont la composition est assez incroyable. Comment ça s’est passé avec Crialese ? Qu’est-ce qu’il avait vu avant de t’engager ?

Agnès Godard : Il avait vu Beau travail. On s’est donné rendez-vous, dans un café. Après trois quarts d’heures de discussion, il m’a emmenée à la production pour me montrer des documents concernant l’époque de son film. J’avais pris connaissance du scénario avant notre rencontre : il m’avait beaucoup plu, je l’avais lu comme le scénario d’un film de famille. Il était écrit dans cette veine-là, beaucoup plus que ne l’est le film terminé. Ça m’a plu parce que mon histoire personnelle et mon choix de ce métier sont vraiment liés aux photos de famille : mon père faisait beaucoup de photos et de films de famille. Le projet de Crialese renouait, ou bouclait quelque chose, je ne sais pas... On a donc regardé ensemble des photos d’époque, que je trouvais très belles et inspirantes, à cause de cette part familiale, ce regard particulier des photos de famille. Ce n’étaient pas tout à fait des photos de famille, mais les photographes auteurs de ces reportages étaient sans doute très proches des gens qu’ils photographiaient comme pour retenir ces visages qu’ils ne verraient plus, qu’on ne verrait plus.

Le plan dont tu parles, où l’on voit le bateau quitter le quai, est une adaptation d’une des photos. C’était un plan plus large mais on n’avait pas les moyens ! Nous en avons retenu la foule qui se sépare, quelque chose de plus épuré mais qui gardait le contenu...

W. K. : Comment l’as-tu mis en place avec le réalisateur ? Il y a eu un essai, ou une prise de vues directe ?