Entretien avec Nicolas Karakatsanis

François Reumont : Vous avez fait vos armes dans la post-production avant de devenir opérateur... c’est plutôt inhabituel. Avec le recul, que vous a apporté cet apprentissage ?

Nicolas Karakatsanis : À vrai dire, je ne me suis jamais vraiment projeté dans une carrière de chef opérateur. Je n’ai pas fait d’études techniques, et quand on m’a proposé ma première pub je travaillais dans cette boîte de post-prod en bricolant moi même
des petits courts-métrages en numérique. Je suppose que l’on a cru en moi, en mon oeil,
en mon sens visuel. Et puis j’ai appris sur le tas, en acquérant peu à peu confiance en moi. En tout cas une chose que m’a appris ce temps passé chez Condor, c’est de contrôler son image le plus possible à la prise de vue, en sachant ce que l’on peut changer simplement ensuite à l’étalonnage.
Je sais que tout ce que l’on fait sur le plateau sera toujours plus abouti que ce qui peut se décider par la suite. Bien entendu je ne cherche pas la petite bête, et j’intègre très fréquemment dans mon travail de prise de vue les possibilités du numérique pour régler telle ou telle ombre, et éviter de perdre du temps... Mais je pense vraiment que c’est compliqué de transmettre la vision juste et l’esprit artistique de séquences visuelles, surtout quand on ne peut pas toujours travailler avec les mêmes personnes en post-prod.

FR : Votre premier long-métrage remonte à 2007, c’est un peu inhabituel, puisque vous y cumulez le rôle de producteur et de chef opérateur, et que vous partagez les crédits avec votre frère réalisateur.
NK : Avec mon frère, on avait décidé ensemble de relever un défi : celui de faire un premier longmétrage avant nos 30 ans... L’histoire de Small Gods part de là. On a donc décidé de produire nous mêmes notre film, avec 50 000 euros. Le projet s’est tourné en trois semaines, principalement avec des amis et les équipes avec lesquelles on travaillait régulièrement sur des publicités et qui nous ont renvoyé l’ascenseur financièrement.
À cette époque, l’Alexa n’existait pas, et les caméras numériques ne correspondaient pas du tout en qualité à ce que l’on avait en tête. On a tourné en 35 mm, et la quasi-intégralité du budget est partie dans la location du matériel, l’achat de la pellicule, et le laboratoire... Même si, à l’écran, le film fini donne l’impression d’un budget plus important, il garde un côté très brut.
C’est sans doute notre expérience de la post-prod qui nous a permis de tirer le meilleur parti de ce micro budget. La bonne surprise c’est que le film a commencé sa carrière au festival de Venise, puis dans plein d’autres festivals à travers le monde...
Malheureusement il n’a pas été très bien vendu, car on commençait tous les deux à être très occupés par notre travail en publicité. Je crois d’ailleurs que Small Gods reste inédit en France.
En tout cas c’est un bon souvenir, et surtout un défi relevé !